Quel avenir pour WordPress ?

Lors du 1er WordCamp Biarritz – qui a eu lieu le vendredi 6 octobre 2023 – j’ai pu participer à une table ronde au sujet du futur de WordPress aux côtés de Déborah Donnier¹, Rémi Corson², Amaury Balmer³ et Mickaël Gris⁴.

J’ai pensé que cela pourrait être une bonne idée de retranscrire mes notes au propre sous la forme d’un article, ici.

Initialement, Aurélien Denis⁵ avait prévu davantage de questions mais le temps nous a manqué… Vous retrouverez l’ensemble des questions ainsi que mes réponses personnelles dans cet article 😉

1. Déborah Donnier : agence DDesign ↩︎
2. Rémi Corson : développeur WordPress & WooCommerce chez Automattic ↩︎
3. Amaury Balmer : agence Be API ↩︎
4. Mickaël Gris : agence Newwwave ↩︎
5. Aurélien Denis : consultant & développeur WordPress-WooCommerce / maitre de conférence et organisateur du WordCamp Biarritz / fondateur du blog WP Channel ↩︎

Partie 1 : les évolutions techniques de WordPress

Le Full Site Editing est le nouveau mot-clé qui buzze au sein de l’écosystème WordPress. Il permet d’éditer son site Web avec une approche no-code depuis l’interface du back-office. Cette promesse est-elle une réalité ou une utopie encore bien lointaine ? Que pensez-vous de cette avancée, essayons de creuser le sujet…

Quels sont les avantages du FSE pour un utilisateur, un développeur ou un prestataire de service ?

C’est une réalité. Le FSE est bien là, et aujourd’hui, il est opérationnel…

Pour un prestataire de service…

Un prestataire de service peut maintenant créer un thème sur-mesure sans savoir coder, ce qui est un grand pas, et c’est fabuleux ! Même si finalement, il pouvait déjà le faire avec des constructeurs de thème tels que Divi, Elementor, Oxygen, etc. (à la différence que ce sont des outils payants).

Pour les développeurs…

Pour les développeurs, j’imagine que cela ouvre de nouvelles perspectives comme la création de nouveaux thèmes FSE à déposer sur le répertoire officiel ou la conception d’extensions qui viennent enrichir l’éditeur (création de nouveaux blocs spécifiques ou l’ajout de nouvelles options). Si j’étais développeuse, je trouverais cela très excitant.

Pour les utilisateurs finaux…

Quant aux utilisateurs finaux – je pense à l’artisan qui veut créer son site pour vendre ses bijoux ou à l’hôtesse qui veut créer son site de réservation pour sa chambre d’hôte – l’approche du FSE me semble encore complexe à appréhender. Il y a des notions qui ne sont pas faciles à comprendre pour un utilisateur qui découvrirait WordPress aujourd’hui.

En effet, l’approche du FSE va plus loin que la simple « création du contenu », il y a les notions de templating qui viennent se rajouter, et là l’apprentissage se corse un peu.

Avant l’apparition des thèmes basés sur les blocs, l’utilisateur paramétrait le design de son site depuis les options du thème. Cela avait l’inconvénient de ne pas permettre d’obtenir un design totalement sur-mesure, mais cela avait l’avantage de baliser son chemin. Aujourd’hui, avec le FSE, il y a cette notion de « page blanche » (ou presque) qui peut dérouter certains débutants.

Quelles sont les limites ou les difficultés que vous avez identifiées au niveau du FSE ?

Ce qui est complexe, c’est de déconstruire ce que nous avons appris de WordPress, pour nous les utilisateurs dinosaures 🦖 🤣… Nous avons certaines habitudes et c’est toujours embêtant de sortir de notre zone de confort.

Je n’ai jamais été réfractaire au changement, bien au contraire, mais je note toutefois encore quelques limites dans l’utilisation du FSE, même s’il est mature et opérationnel aujourd’hui.

Nativement (et personnellement), je n’arrive pas encore à obtenir tout ce que je voudrais dans le design d’un site en full Gutenberg. J’ai l’impression qu’il faut encore ajouter des extensions supplémentaires (des add-ons pour Gutenberg) ou du code CSS pour parvenir à nos fins. Ou alors, il faut accepter de faire des concessions…

Craignez-vous que le Full Site Editing signe l’arrêt de mort des constructeurs de pages ?

Tout d’abord, j’aimerais que l’on n’oublie pas que ces constructeurs ont largement aidé WordPress à fidéliser ses utilisateurs, car ils ont apporté une grande souplesse dans la création du design sans coder.

Ensuite, on peut constater que Gutenberg est arrivé en décembre 2018 avec la version 5.0 de WordPress, que nous sommes en octobre 2023 (version 6.3) et que 5 ans après, les constructeurs de pages sont toujours là (Divi, Elementor, Beaver, Oxygen, etc.).

Je pense alors que les deux vont cohabiter encore un moment. Au contraire, c’est peut-être une opportunité pour ces constructeurs de page et de thème de mieux s’intégrer au FSE.

Je donne souvent l’exemple des photographes : certains photographes professionnels utilisent des appareils Canon et d’autres des Nikon. Est-ce que les photos sont plus belles avec l’un ou l’autre ? Si c’était le cas, l’une des deux marques aurait disparu…

En tant que professionnels (prestataires ou formateurs), nous avons tous intérêt à « nous y mettre », ne serait-ce que pour élargir notre vision et nos compétences. Après… libre est notre choix !

La difficulté est que tant qu’il y aura plusieurs chemins différents pour construire un site, il y aura plusieurs écoles d’apprentissage. Mais surtout, il y en aura pour tous les goûts et tous les budgets. Cette diversité offre le libre choix à l’utilisateur final et ce n’est pas une mauvaise chose, bien au contraire !

Quels sont vos conseils pour bien démarrer avec le Full Site Editing ?

Pour bien démarrer, j’aimerais donner 3 conseils :

1. L’utilisateur ne doit pas se lancer dans le FSE tête baissée. L’important est de bien identifier les modèles et les parties de modèles à créer : le modèle des pages, des articles, en-tête, pied de page, etc. Cela l’aidera à mieux concevoir son thème. Mais bien sûr, c’est ça le plus difficile pour les novices qui ne comprennent pas forcément la hiérarchie des modèles.
2. C’est une bonne idée de commencer à l’aide du thème Twenty Twenty Three. La plupart des modèles sont déjà en place et l’utilisateur n’a plus qu’à les modifier.
3. Je suis assez frileuse quant à l’utilisation de librairies tierces (add-ons pour Gutenberg) qui viennent ajouter de nouveaux blocs dans l’éditeur. Il est vrai qu’il y en a qui sont vraiment super (Otter blocks, Kadence, etc.). Mais au final, on réintroduit au sein de WordPress cette dépendance que le FSE essaye d’éliminer. La plupart de ces add-ons ont des versions payantes et dans ce cas (dépendance / premium), peut-être qu’il vaut mieux continuer avec les pages builders qui sont rodés depuis des années.

En conclusion, je dirais que l’utilisation du FSE n’a de sens que si on ne rajoute pas de surcouche (= qu’on utilise seulement le natif ou presque).

La phase collaborative de WordPress

La phase suivante de Gutenberg, après le déploiement du Full Site Editing, va concerner la collaboration en temps réel.

Pourriez-vous donner des exemples précis de scénarios où cette fonctionnalité serait particulièrement bénéfique pour les équipes de développement et de création ?

Eh bien justement, je n’arrive pas encore à comprendre où trouver un bénéfice ou une avancée majeure dans cette fonctionnalité. Je suppose que cela est dû au fait que je ne travaille ni en agence ni en équipe. À mon niveau, je ne vois aucune opportunité dans cela.

Je peux dire aussi, sans trop m’avancer, que ça va également être le cas de 99% des élèves que je forme ou de mes clients.

J’aimerais bien que quelqu’un me prouve et m’explique le bénéfice de cette fonctionnalité de collaboration en temps réel. Je suis encore perplexe et je changerai peut-être d’avis lorsqu’elle sera entre mes mains et que je l’aurai testée.

Est-ce une direction pertinente pour le projet ?

Si j’ai bien compris, ce sera une sorte de Google Doc ? Pourquoi embarquer un Google Doc dans un site WordPress ? Pour éviter d’afficher « Jacqueline est en train de modifier cette publication, voulez-vous prendre la main ? ». Pour l’instant, je n’arrive pas à trouver de pertinence dans la fonctionnalité d’édition collaborative. Utilisons Google Doc d’un côté pour collaborer et WordPress de l’autre pour créer des sites web.

Maintenant, j’imagine qu’il y a un intérêt pour les équipes. Amaury Balmer avait de solides arguments à ce sujet lors de la table ronde. Selon lui, cela permettrait de mieux collaborer entre le client et les diverses équipes de conception. Je comprends son point de vue et il a sûrement raison ! J’attends de voir cela.

La phase multilinguisme de WordPress

La phase suivante du projet Gutenberg concerne le multilinguisme avec l’apport d’un socle technique natif dans le core. On parle ici d’une échéance à 3-5 ans. Que pensez-vous de cet apport alors même que l’écosystème est suffisamment riche d’extensions comme Polylang pour couvrir les besoins ?

Tout d’abord, je pense que permettre à l’utilisateur d’obtenir un site multilingue nativement est plutôt une bonne idée. Je suppose même que c’est une fonctionnalité attendue par de nombreux utilisateurs. Mais tout dépend de comment cela va se présenter. Si c’est pour faire la même chose que Polylang, je trouve cela dommage car l’extension existe déjà et elle est top.

Ensuite, si vous allez sur le répertoire officiel des extensions et que vous additionnez les installations actives de toutes les extensions de traduction qui existent, on arrive environ à 3 millions de sites. C’est déjà beaucoup, mais ça ne représente pas la majorité des installations WordPress. Je me dis alors que l’intégration du multilingue dans le core ne va pas forcément être utile au plus grand nombre. C’est un peu comme si nous ajoutions WooCommerce dans le core, cela n’intéresserait pas tout le monde. Enfin, j’imagine !

Donc oui, le multilinguisme natif dans WordPress est une très bonne idée, à condition qu’il soit activable par l’utilisateur, qu’il ne complexifie pas l’interface et qu’il ne soit pas un frein à la performance du site.

Partie 2 : l’intelligence artificielle et WordPress

Pourriez-vous citer des cas concrets où l’intelligence artificielle a déjà été intégrée avec succès dans des sites WordPress pour améliorer l’expérience utilisateur ou automatiser des tâches complexes ?

L’IA a été intégrée un peu partout, dans la plupart des extensions qu’on utilise : JetPack, SEOPress, Elementor, Divi, Yoast, et bien d’autres… Mais elle reste pour l’instant un outil d’aide. Je crois qu’on est encore loin de ce qu’elle pourra faire dans un futur assez proche. J’imagine qu’on pourra créer des prompts qui construiraient des compositions ou des mises en page à notre place, qui paramètreraient les extensions, etc. On y est presque avec Bertha.ai mais ce ne sont que les prémices de ce qui sera possible.

L’IA peut être complexe à mettre en œuvre. Pouvez-vous décrire les compétences techniques nécessaires pour intégrer efficacement des solutions d’IA dans un site WordPress et comment la courbe d’apprentissage pourrait être réduite ?

Je n’en ai aucune idée pour l’instant. J’imagine que les API sont très utiles pour interconnecter des services tiers au sein des outils de WordPress. Ce n’est pas rare de voir des options pour saisir notre clé API ChatGPT par exemple. Après, comment cela se met en place au niveau du code, c’est du chinois pour moi 😅.

En matière de sécurité, quelles précautions les développeurs doivent-ils prendre lors de l’utilisation de plugins ou de solutions d’IA tierces pour s’assurer que les données sensibles des utilisateurs sont correctement protégées ?

Très bonne question, je ne suis pas développeuse. Mais j’imagine la difficulté, car pour l’instant, tout parait bien flou de ce côté-là.

Partie 3 : l’éco-conception et WordPress

Avez-vous mis en place des bonnes pratiques en matière d’éco-conception ? Si oui, lesquelles ?

Un site éco-conçu ne l’est réellement que s’il est hébergé chez un hébergeur éco-responsable. L’un ne va pas sans l’autre. C’est déjà la première chose que je crois.

Après, il y a tout une liste de bonnes pratiques qui permettent de réduire l’empreinte carbone d’un site web : utiliser les bonnes extensions, le bon thème, le bon choix de police, réduire les extensions, mettre en cache, réduire les requêtes serveur, alléger les médias, etc.

Le FSE répond certainement à une partie de ces problématiques, à condition qu’il ne soit pas surchargé par des dizaines d’add-ons pour palier le manque d’options de design.

Sensibiliser la communauté sur ce sujet est crucial. Avez-vous des suggestions concrètes sur la manière dont les agences Web et les freelances pourraient promouvoir l’éco-conception auprès de leurs clients et intégrer ces principes dans leur flux de travail habituel ?

Pourquoi ne pas créer un blog collaboratif « à nous tous » (puisque tu parles de la communauté) ? Nous pourrions y publier nos astuces et conseils au sujet de l’éco-conception. De vraies astuces qui permettraient aux utilisateurs, prestataires et clients de comprendre l’importance de ce sujet et de l’impact sur l’environnement. Après tout, à nous tous, nous n’aurions pas beaucoup de travail : si chacun de nous rédigeait un article, nous aurions du contenu pour publier quotidiennement pendant un an (au minimum). Et nous bénéficierions d’une puissance marketing inégalée pour promouvoir ces articles ! Mais bon, c’est certainement une utopie… (bienvenue chez les bisounours 🤣).

En conclusion…

WordPress a eu 20 ans cette année (2023), il évolue avec son temps. Peut-être trop lentement pour certains ou trop rapidement pour d’autres… Mais rappelons que ce CMS est maintenu par des contributeurs bénévoles, tout le monde peut contribuer, c’est un projet open-source… Je ne suis pas « devin », mais j’ai envie de parier qu’il sera encore là dans 20 ans… Et vous ? Comment envisagez-vous l’avenir de WordPress ?